2ème prix 2024
Le testament, par Bernard Marsigny
- Quel chameau !!! vont-ils sans doute dire lorsqu'ils apprendront ce que je leur réserve..
Aujourd'hui va être un grand jour et je me réjouis d'y assister du haut de la cheminée sur laquelle repose mon portrait. Car j'ai encore ce pouvoir merveilleux de voir et d'entendre tout ce qui se dit autour de moi. C'est une faculté que personne ne soupçonne et qui m'est bien précieuse...
Ce matin j'attends mes deux neveux, Jean et Pierre, ainsi que ma nièce Anne-Sophie, mes seuls héritiers. Maître Portefoux, notre notaire, va venir au Manoir pour leur donner connaissance de mes dernières volontés.
11 Heures. Les garçons arrivent suivis de près par Anne-Sophie. Germaine, notre cuisinière depuis toujours, leur a préparé le repas et Georges, son mari et notre homme à tout faire, a allumé un feu dans la cheminée .
Midi. Je les entends discuter dans la salle à manger et même rire. Chacun y va de ses espérances.
- Moi, dit Pierre, j'aimerais bien avoir la villa de Fréjus. Ce serait un bon placement.
- De mon côté, précise Jean, je ne serais pas contre de la maison de Deauville. Ce serait bien pour y loger ma nombreuse famille.
Anne-Sophie n'a pas d'envie particulière.
- Si j'hérite du Manoir, je pense que je ne le garderai pas. C'est trop vaste et trop coûteux à entretenir. Le mieux serait de le vendre le plus vite possible et avec d'investir dans du neuf.
Ils sont charmants tous les trois. Pendant ma très longue maladie, je n'ai vu aucun d'entre eux. Ils ne téléphonaient jamais non plus.
Maître Portefoux arrive, et tout ce petit monde passe au bureau. Ça me fait plaisir de les avoir sous les yeux. Maître Portefoux commence à lire mon testament en précisant que chacun des héritiers ici présents va recevoir la somme de 5500 euros chacun.
- C'est tout ? demande aussitôt Jean.
- Oui , c'est tout, précise le Maître.
- Mais à la banque il devait bien y avoir une somme assez rondelette ? veut savoir Pierre.
- Effectivement, mais l'argent a été versé à des œuvres caritatives.
- Oh putain, s'exclame Anne Sophie.
- Mais qu'en est-il des biens de notre tante ? demande Pierre.
- La situation est très claire. Madame votre tante a décidé que la maison de Fréjus irait au Secours populaire et que celle de Deauville reviendrait, au Secours catholique.
- Mais le Manoir à qui revient-il ? veulent-ils savoir.
- Estimant qu'ils s'étaient dévoués toute leur vie sans compter à Madame votre tante, celle-ci a décidé que le manoir reviendrait à Madame Germaine Lesieur, cuisinière et à Monsieur Georges Lesieur, son mari.....
Ils ont quitté la pièce.
En passant devant mon portrait Jean m'a traitée de « sacrée salope », Pierre a ajouté : « vieille chouette mal baisée » et Anne-Sophie a conclu par : « quel chameau » ! J'avais vu juste !
Ces enfants ont toujours été la délicatesse même !!!